Fascisme trans-générationnel

« Est inadapté un enfant, un adolescent ou plus généralement un jeune de moins de vingt-et-un ans que l’insuffisance de ses aptitudes ou les défauts de son caractère mettent en conflit prolongé avec la réalité et les exigences de l’entourage conformes à l’âge et au milieu social du jeune. » (1)

 

Il y a quelques temps déjà, Khaos Farbauti Ibn Oblivion usait de son ironie mordante et de son clavier acéré afin de dénoncer un rapport rendu au gouvernement de l’époque (et accessoirement commandé par le ministre de l’intérieur du moment et actuel président de notre pauvre république).


 

Ce rapport se voulait révélateur de ce qu’un adulte hors-la-loi avait eu forcement une enfance trouble, et partant, prétendait démontrer, dans un renversement primaire des causes et des conséquences, que tout enfant semblant perturbé (refus de l’autorité, agressivité, vol, lunatisme, doigts dans le nez …) était un adulte hors-la-loi en devenir et qu’il fallait d’une part le repérer comme tel toute sa vie, et d’autre part, faire en sorte qu’il ne le devienne pas en inscrivant son existence dans cet étiquetage forcené … Entendons nous bien : ce rapport parlait d’enfants à partir de trois ans !


C’était un bel exemple du degré zéro de la réflexion, mais ça permettait surtout au rapporteur de faire des propositions d’action qui, au-delà de l’eugénisme et du racisme de l’ethno-protectionnisme suintant des pages de cette « étude », fleuraient bon l’odeur de cuir des bottes des forces de l’ordre nécessaires à la mise en place d’une société, entre autre, sécuritaire, réactionnaire et décervelée.


La couture était grossière, et la levée de boucliers indignés fut suffisante pour que de ce rapport et des lois en découlant, on en entende plus parler.

 

La citation que je fais au début de ce billet pourrait faire partie de ce rapport : il s’agit d’une logique similaire, qui permet d’étiqueter les individus.

Elle leur retire leur humanité en leur niant toute capacité d’évolution et tout besoin d’une aide pour cela.

C’est aussi une logique qui dit que la normalité est une notion absolue et qu’en dévier est une tare ; c’est une logique qui abolie la différence et qui souhaite la détruire.

 

Et bien, en fait, cette citation est tirée du préambule de la « Nomenclature et classification des jeunes inadaptés » présentée au membre du Conseil Technique de l’enfance déficiente et en danger moral, le 11 janvier … 1944(1).

 

Ce conseil technique a été créé par décret du gouvernement de Vichy en 1943, pendant l’occupation, et s’inscrivait dans la logique nazie de la sélection raciale.

 

\o/

 

  (1) Source : « Le guide du handicap », I-10-815 à I-10-945

Commentaires

1. Le mercredi, avril 23 2008, 21:30 par Solita

Rien de surprenant en fait! Non?

Il y a en ce moment, je crois que c'est à Paris, une expo de photos prises sous l'occupation et qui montre une autre facette de la guerre... la vie normale, des gens qui rient, la mode, la tranquillité passive quoi!
L'histoire n'est qu'un éternel recommencement...

2. Le mercredi, avril 23 2008, 22:16 par Io

Solita> Faut pas se leurer, les résistants étaient une minorité à l'époque, cependant, le problème c'est que ce genre d'expo vont montrer des photos qui ne sont que le témoignage d'un instant t et extrapoler en disant que tout le monde il était heureux au milieu des nazis. Il y a quelque chose entre la résistance et la collaboration, c'était l'indifférence...d'où les sourires sur les photos en question. Ce qui me débecte dans ces expo, c'est d'occulter le sort des déportés (Juifs, résistants, résistantes etc) comme s'ils étaient à part; or c'était des français, donc la France ne vivait pas bien l'occupation. :/

Kannto>J'espère juste, en tant que futur torchon, ne pas être l'outils d'une telle politique et idéologie...déjà que les profs doivent en avoir assez de supporter des débilités gouvernementales : changement de méthode tous les trois ans, élève cobail.

Ayè je suis déprimée...toute façon je me barre à Maurice certainement, mais alors si lotlà a un second mandat...je me barre à coup sûr...

3. Le jeudi, avril 24 2008, 16:20 par Khaos Farbauti Ibn Oblivion

Tiens grâce à toi, je me suis aperçu que le graphique du billet "Je suis un déviant" n'était pas le bon. C'est désormais corrigé.

4. Le vendredi, avril 25 2008, 13:40 par Solita

Io> Je crois que je comprends ce que tu veux dire, je trouve pourtant que nous n'avons jusqu'à présent vu que le côté Superman de ces événements.
Une telle expo peut nous rappeler que nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours et que des systèmes totalitaires se cachent souvent derrière une façade prospère.
Biensûr que ces photos ont été prises dans un contexte de commande pour donner une certaine image, mais n'est-ce pas ce qui se passe aujourd'hui avec les médias.
Il a un extrémisme à être pour ou contre, finalement c'est le linchage et les romans photos qui interressent l'espèce humaine, ça le nourrit jusqu'à ce qu'il crève de faim.

Après il se révolte et se venge; il passe d'un camp à l'autre.

5. Le mardi, mai 20 2008, 16:13 par KannTo

Solita et Io > J'acquiesce à votre débat :/

Io > C'est dur, vu la provenance des financements, de ne pas être les outils de telles politiques et idéologies quand on est torchon, ou serviette, d'ailleurs :/

Khaos > J'adore être utile :-D

6. Le jeudi, mai 22 2008, 03:09 par Io

Débat expo : Le problème avec ce genre d'expo, c'est qu'elles sont orientées. Que ce soit pour dire que nous étions des héros ou pas. Là on veut nous montrer que la guerre, bah c'est pas si terrible. Enfin c'est mon sentiment. Il ne s'agit pas de montrer le caractère exceptionnel qu'a la résistance. Ou sinon c'est comme sur les bouteilles de vin, c'est écrit en tout petit...

Torchon/serviette : Oui, bah compte sur moi pour leur dire "fu*k" ^^

Attention ! Explication de texte ! ^^ , deux points ouvrez les guillemets :

« Est inadapté un enfant,
-Parce qu'évidemment un enfant est construit, fini. Entre 0 et 10 ans, on a fini notre cheminement intellectuelle et affectif, c'est bien connu...-

un adolescent
-Non mais l'adolescence, on dit que c'est une passage difficile vers l'age adulte, mais c'est pas vrai. C'est bien facile pour certains, les autres sont capricieux c'est tout-

ou plus généralement un jeune de moins de vingt-et-un ans
-Dans deux ans, ce sera, " ou plus généralement un adulte de moins de trente ans, puis de quarante, puis de cinquante, puis de soixante, si à soixante-dix il est toujours récalcitrant, en cas de forte chaleur sur le pays vous êtes priés d'omettre de lui rendre visite...c'est pour son bien et celui de la société'-

que l’insuffisance de ses aptitudes
-Bon on sait pas trop ce que ça vient faire là, c'est un mot de plus de deux syllabes, ça fait toujours intelligent d'en utiliser, surtout dans les rapports officiels-

ou les défauts de son caractère
-Je veux biens qu'on ait mauvais caractère. Mais de la à dire qu'un caractère est défectueux...-

mettent en conflit prolongé avec la réalité
-Arrête de rêver le jeune, et vote à droite qu'on te dit. Non pas autant à droite, oui là c'est bien mon petit, t'es réaliste-

et les exigences de l’entourage conformes à l’âge et au milieu social du jeune.
-Bon là, on ne comprend plus. Manque de politesse envers les vieux, de respect. L'entourage qui n'est pas défini a pourtant raison. L'homme surtout lorsqu'il est occidental est intelligent, et évolue avec le temps. Alors, en fonction de l'âge et du milieu social on ajuste. Effectivement, celui qui vit en HLM on va pas trop lui en demander, si en plus il a 14 ans, c'est un peu tôt, un coup de matraque dans les mollets suffit. Il ne manque plus qu'à dire qu'en fonction du sexe, de la couleur, des origines de l'enfant en question, un traitement particulier lui est affilié, et c'est bon on touche vraiment, pour de vrai, sans faire semblant, sans conteste le fond du fond de la cocotte (pourquoi la cocotte, je ne sais pas, il est trois heures du mat') »

Et bien quel pavé ! Je suis très loquace tard le soir ^^

7. Le samedi, juin 7 2008, 10:42 par KannTo

(correction faite ^^)

Je suis bien sûr globalement d'accord avec toi. Toutefois, ce texte a quand même plus de 60 ans. Nonobstant le contexte particulier de cette époque, on peut se dire qu'il ne peut être que rétrograde, puisque s'inscrivant malgré tout dans une évolution de la perception de l'enfant (j'imagine qu'un siècle auparavant, la place de ce dernier était encore plus précaire). Par ailleurs, je dois ajouter qu'à la libération, ces principes ont perduré et ont évolué vers le droit de l'enfance tel qu'on le connait actuellement (avec ses défauts, bien sûr).

Ce qui me choque dans la comparaison, c'est que le rapport de 2006 (?) fait penser à ce texte vieux de 60 ans (et inscrit dans un contexte si particulier). Ce rapport, sans employer les mêmes mots, (ceux qui t'ont choqué) tendait à vouloir amorcer un retour de 60 ans en arrière.

Et c'est cette volonté ténue et vicieuse de rogner les libertés toutes autant qu'elles sont, de détricoter tout l'humanisme qui a été développé depuis le 19e siècle qui me fait peur et qui me fait vomir.

Les réactions (les miennes y compris, bien sûr) sont bien molles et je pressens que nous nous mordrons les doigts d'ici quelques années, quand il ne sera plus temps de s'opposer.