“Mise à jour x/?”, argument...

Bien que je n’ai pas écrit depuis, fiou !, au moins tout ça (en vrai, on peut parler d’un arrêt de production aux alentours de 2011, avec un vrai dernier billet en 2013)(hum, ahem -_-”), ma petite vie de terrien moyen et névrosé ne s’est pas arrêtée pour autant et a été émaillée de petites et moins petites choses, d’évènements plus ou moins importants (pour moi, pas pour la survie de la planète, restons modeste) et d’états d’âmes sans doute globalement inintéressants mais qui ont contribué à faire évoluer qui et ce que je suis, et ce, pas toujours dans le bon sens (du moins, pas dans le sens que je voudrais). (tiens, une intro courte).

(P.S. de chapô : au moment où j’insère ce P.S., j’en suis au ⅔ de ce billet (oui, là, tout de suite maintenant, quand vous me lisez, je viens du futur. Bon, du futur de mon passé, mais, du futur quand même, en tout cas pour votre présent (‘tain, c’est toujours compliqué les voyages temporels) et je m’excuse par avance de la philosophie de comptoir que je vais vous infliger)
Je me propose donc (au sens premier du terme, je me le propose à moi, mais vous êtes les bienvenus, si d’aventure vous lisez ces lignes, pour en profiter (et ouais, et c’est gratuit en plus)) de récapituler ces quelques années au sein de mises à jour plus ou moins régulières (forcément) dont la trace me servira de mémoire a minima et qui auront l’avantage de répondre en partie à une angoisse, de plus en plus présente, que m’inspire le constat que la mémoire physiologique est loin d’être éternelle, même sans pathologie neurologique (alors, soyons clair, vu mon grand âge: sans pathologie neurologique a priori).

Ceci dit, quand j’avais lu (puis relu)(puis re-relu)(etc) "1984", c’est une chose qui m’avait marqué et que j’avais trouvé un tant soit peu flippante (entre autres, hein, vu que plein de trucs sont flippants dans ce bouquin. Lisez ou relisez "1984". Orwell l’a juste situé un peu trop tôt, mais sinon, c’est sans doute notre avenir proche) : le héros ne garde que des bribes brumeuses de souvenirs d’enfance, pas de souvenirs marquant de sa vie adulte, et ça tisse le portrait d’un individu complètement perdu de lui-même. Ça n’est que lorsqu’il commence à tenir un journal (et donc, à sauvegarder sa mémoire) qu’il peut redevenir quelqu’un.
Et ma foi, quand je le lisais, je trouvais un peu tirée par les cheveux cette notion de perte de mémoire, parce que bon, quand même, personnellement, je me souvenais très bien de tout ce qui avait marqué ma vie et je ne voyais pas ce qui pourrait faire en sorte que ça ne continue pas.
Et puis en fait, depuis deux ou trois ans, je me rends compte que les huit dernières années, finalement, elles sont un peu brumeuses.

Beaucoup de choses se sont pourtant produites, mais que ce soit le cadre sur lequel elles s’agencent qui ne bouge pas, ou que ce soit un effet d’accumulation et de références qui se télescopent, je ne suis pas, ou moins, en mesure de situer ces événements. Je soupçonne même certains d’entre eux de m’être sortis de la tête.
Je pourrais le dire autrement : quand je me retourne, je ne me dis pas “quel chouette/mauvais chemin parcouru”, mais plutôt “ah merde, j’ai déjà parcouru tout ça ?!”.
Un peu comme lorsque tu conduis pour aller au boulot, et que tu réalises que tu as fait 30 bornes sans conscientiser aucun de tes changements de direction, aucune de tes décélérations, aucun de tes dépassements et que tu t’es réellement mis sur pilote automatique.

Sauf que là, c’est ta vie.
(et que si dans ta voiture, c’est sympa, ce pilotage automatique, vu que du coup, tu es quasiment arrivé et que tu ne t’es pas coltiné le paysage autoroutier, ben, pour ta vie, la fin du trajet, c’est ta mort, précédée d’une dégénérescence globale certaine, avec douleur & Co, et le trajet, ce sont les autres, du moins, ceux qui comptent pour toi, anciens et nouveaux. Si tu n’as pas le souvenir de ce trajet, ma foi, il peut aussi bien n’avoir pas existé. Mais bon, je pense qu’on touche là à un autre sujet que ce à quoi je voulais en venir, sans compter que ça me paraît rejoindre ma perception intime de l’existence. A développer une autre fois. Peut-être.)

Bref. Je disais donc que là, cependant, c’est ta vie. Et que cette vie, au sens de (oups ! Désolé, réintégration du bon flux temporel de rédaction (dans mon présent donc, mais là j’arrive de votre passé (d’il y a 2 minutes, mais quand même, notez la performance)) ce qui la rend remarquable (les rencontres, les évènements, les bonheurs, les malheurs, les jouissances, les agonies du corps et de l’esprit, BREF, les émotions qui la parsèment), c’est ce qui te définit en tant que toi, individuel, unique et en évolution, à chacun de tes instants.

Et j’ai un doute, au vu des huit années qui viennent de passer pour lesquelles le souvenir du chemin est si flou, sur la possibilité d’être soi, individuel, unique et en évolution si l’on a pas ancrés au corps au moins les étapes importantes du trajet, et mieux encore, chaque détail des paysages émotionnels vécus.
En l'occurrence, j’ai ce sentiment d’avoir moins de forme, moins de substance, d’être plus un agrégat blobesque que Moi (ouais, je me mets une majuscule, mais on est d’accord, ça n’est pas dans le cadre d’une prise de melon ni des prémices d’une auto-déification : il y a du sacré dans l’unicité qui fait l’individu, qu’on soit prix Nobel de la paix, indigent, vous, toi ...ou moi. Et il y aurait peut-être nécessité que chacun retrouve la valeur de ce sacré (ça serait peut-être même une piste de résolution des bordels actuels)(mais c’est, je pense, encore un autre sujet (qui plus est en partie constitutif de “Les guerriers du silence” de Pierre Bordage, trilogie que je vous recommande en passant). A développer une autre fois. Peut-être) du fait de n’avoir pas (ou moins) d’appui(s) sur mes souvenirs et partant, sur mon vécu.

Vous pourriez m’opposer que le risque inhérent au nécessaire souvenir tel que j’en parle ici serait de se figer dans une identité, une construction rigide qui préfèrera rompre que ployer face au changement, qui créera les évènements propres à obtenir des souvenirs la rigidifiant un peu plus et qui se complaira dans les certitudes dont elle sera bouffie (et si vous ne me l’opposez pas, vous voyez, je m’en charge, absolument sans pitié et sans m'embarrasser de votre souffrance à endurer ce texte qui, décidément, n’en finit pas).
Alors, bonhomme, je vous répondrais que oui, c’est un risque. Après tout, nous connaissons tous des personnes dans ce registre. Mais bon, c’est comme tout : sans être un bouclier parfait, le fait d’être conscient de ce risque le minimise considérablement.
Et puis, préserver les éléments constitutifs de ce que l’on est, ce n’est pas, en soi, garder ses positions. C’est plutôt connaître son cheminement (tiens, on y revient), alimenter le devenir, prendre appui et progresser, chercher du regard la prochaine étape émotionnelle et n’être pas qu’être.

Mais je m’égare à nouveau. Résumons, et faisons simple (!).

Ou ma vie a été particulièrement inintéressante, même pour le principal bénéficiaire, à savoir moi (mais bon, quand tu sais que j’ai deux enfants pas encore adultes, déjà, en soi, cette hypothèse sonne faux), soit la mémoire est effectivement volatile, et ça, ça me contrarie très fort parce que ça me délite. A ce titre, ben, Bim !, j’utiliserai ces pages pour consolider tout ça et sauver ce qui peut l’être de mes périclitants souvenirs qui sont le métal dont je suis forgé.

En corrélation avec ce constat de la fragilité de la mémoire, ce sera donc aussi l’occasion de coucher ici des souvenirs plus anciens qui n’intéresseront que moi, au sens où il m’ont construit de manière beaucoup plus intime : l’enfance, les grands apprentissages, la famille, les grandes douleurs (de celles qui cicatrisent mal)(rien de dramatique, mais on a forcément, de fait, sa propre échelle, son “plus” et son “moins”).

Pour ce que ça vaudra dans l’absolu, ce sera en tout cas beaucoup en relatif.